Crash SU1492, les premiers éléments de l’enquête

Le dimanche 5 mai 2019, les images d’un avion atterrissant en feu à Moscou font le tour du monde. L’avion est SSJ100 appartient à la compagnie russe Aeroflot. Plus tard, les médias annonceront un bilan de 41 morts. Grâce à plusieurs éléments dévoilés dont des données ADS-B, les causes de ce crash semblent se préciser.

Su1492 crash Moscow
L’avion après le crash (source:FlightRadar24)
Attention : Cet article n’est en aucun cas un rapport officiel du crash SU1492. Au moment où ces lignes sont écrites, l’enquête menée par l’Interstate Aviation Committee en Russie est en cours et livrera les causes de l’accident. Cet article doit donc être vu en tant qu’état des lieux des différentes pistes de recherche et de réflexion de l’enquête.


L’appareil et la compagnie aérienne

L’avion impliqué dans l’accident est un Soukhoï Superjet 100 immatriculé RA-89098. Il a été livré en 2017. Construit par Soukhoï, il concentre de nombreuses technologies, provenant de plusieurs fournisseurs: les réacteurs PowerJet SaM146 développé conjointement par le motoriste français Snecma et le motoriste russe NPO Saturn ou l’avionique par Thales Avionics. L’avion en question a effectué sa maintenance en avril 2019 avant d’être remis en service.

JetPhotos su1492
Le SSJ100 impliqué dans l’accident (©JetPhotos)

Les premières données analysées

L’ADS-B (Automatic dependent surveillance-broadcast) est un système de contrôle aérien. Il permet de connaître différentes informations sur un vol. Le site FlightRadar24 a dévoilé les données du vol SU1492. 3 informations sont mises en évidence: en rouge l’altitude, en jaune la vitesse et en vert la vitesse verticale).
Su1492 crash ADS-B
Les premières données du vol Su1492 (Source:FlightRadar24)

L’avion s’aligne sur la piste pour le décollage et 15:02:38 le SSJ100 s’élance sur la piste 25 droite de l’aéroport de Moscou Cheremetievo. 15:03, l’avion décolle.

Su1492 aeroflot take off
L’avion accélère piste 25 droite (source:FlightRadar24)


L’avion décolle à 15:03 UTC (source:FlightRadar24)


À 15:08:35, l’avion atteint 10 000 pieds. Seulement 1 minute plus tard, l’appareil est frappé par la foudre. L’équipage change le code du transpondeur, le système de communication avec le contrôle aérien ,« squawk en anglais », communiquant d’abord un problème radio à 15:09:27 UTC (18:09 heure locale) avec le code 7600.

Code 7600 au transpondeur (source:FlightRadar24)



L’appareil atteint 10 575 pieds avant d’entamer une descente progressive.

Cependant, l’approche est annulée à 15:16 UTC car l’avion se présente trop haut et trop rapidement devant la piste, à 3 150 pieds (960 mètres) pour 240 knots environ.

Moins de 10 minutes plus tard, après avoir effectué une boucle, l’appareil se présente de nouveau mais à une altitude de 2600 pieds pour 130 knots cette fois-ci.


L’équipage envoie un nouveau message à 15:26:24, signalant une urgence, affichant 7700 avec le transpondeur.

Quelques instants plus tard, l’avion touche le sol violemment avant de rebondir. Un autre impact cause la rupture des trains d’atterrissage. L’ensemble de l’avion dont les réacteurs est en contact direct avec le sol entraînant l’incendie au niveau des réservoirs.






La vitesse lors de l’atterrissage

Les données ADS-B semblent montrer que l’avion s’approche de la piste à une vitesse d’environ 150 knots. Celle-ci augmente dans les dernières secondes avant le toucher des roues, passant de 141 jusqu’à 164 knots un instant. À 18:29:53, la vitesse atteint 162 knots pour une altitude de 650 pieds (198 mètres).
Les  données de l’avion lors de l’approche finale 



Position de l’avion (ligne bleue)


Les données de vitesse peuvent être confirmées par une vidéo prise à bord, lorsque l’on calcule le temps que met l’avion pour parcourir 2 points au sol. Les environ 650 mètres entre la voie Sheremetyevskoye shosse et le début de la piste sont parcourus en environ 8 à 9 secondes. Cela correspond à la vitesse de plus de 150 knots (plus de 277 km/h).



La vitesse verticale indique que l’avion descend au rythme de plus de 700 pieds par minute. Les enquêteurs devront déterminer s’il y avait survitesse, en fonction notamment d’autres facteurs comme la masse de l’avion, le vent, le réglage des volets...

À partir de 15:30, le signal ADS-B devient mauvais (en-dessous de 600 pieds). À 15:31:10 UTC (18:31 heures locales), fin de l’enregistrement. L’avion se situe à 650 pieds. Pour précision, l’aéroport de Cheremetievo est situé à environ 190 mètres au-dessus de la mer. De plus, ce niveau n’est pas uniforme sur l’aéroport.

ADS-B Su1494 last data
Dernières données ADS-B

Des erreurs de pilotage?

« La première erreur des pilotes a été de décoller en face de l'orage. Puis, alors que la situation était compliquée mais loin d'être catastrophique, ils ont atterri au lieu de brûler le kérosène », explique le quotidien Kommersant en citant une source proche de l'enquête. La seconde erreur pourrait être une vitesse d’approche trop élevée.

Les extraits des communications radio

Le commandant de bord Evdokimov contacte le contrôle aérien en urgence.
Commandant de bord (FAC): Pan-Pan, Pan-Pan, Pan-Pan! [...]. Aeroflot 1492. Approche de Moscou. Approche de Moscou. Demandons retour. 1492, perte des communications radio et l'avion brûle dans la foudre.

Tour de contrôle: Aeroflot 1492. UIS. Descendez niveau 8080 (huit zéro huit zéro)
... Commandant de bord : 900 à droite 140. Aeroflot 1492

18:16, tour de contrôle: Aeroflot 1492. Cap correct 160. Avez-vous besoin d'aide?
Pilote: Bien 160. Non, tout va bien. Normal. Aeroflot 1492.
Tour de contrôle: Seuls des problèmes de communication, avez-vous bien reçu?
Pilote: panne du système de communication et perte du pilotage automatique.
Tour de contrôle : Reçu.

La phrase « L’avion brûle dans la foudre » prononcée par le commandant de bord semble très étonnante, et pose de nombreuses questions: l’avion était-il véritablement en feu, l’équipage a-t-il fait une erreur d’analyse ou s’agit-il d’une maladresse?


La foudre désignée comme responsable de l’accident?

En effet, des passagers de l’avion et le commandant de bord lui-même ont déclaré que l’appareil a été frappé par la foudre. Les conditions météo étaient dégradées autour de l’aéroport Sheremetyevo. Même si la foudre seule ne peut détériorer entièrement un avion, elle peut perturber les radiocommunications, les systèmes électroniques et électriques. La perte de l’électricité à bord entraîne l’impossibilité d’activer les volets pour ralentir l’avion et l’ensemble des systèmes qui protègent l’appareil et permettent aux pilotes de mieux le diriger.

Enfin, les instruments de vol auraient pu être affectés par l’incident. Il serait devenu difficile de connaître exactement la vitesse et l’altitude de l’appareil

Dès l’atterrissage de l’avion, les secours sont contactés. La retranscription des échanges est disponible en russe ici. Les pompiers constatent l’incendie et cherchent à déterminer le nombre de victimes. Le premier véhicule des secours est arrivé sur les lieux à 18H32, deux minutes après l'atterrissage de l'avion.

Selon le dernier bilan, 41 personnes sur les 78 personnes à bord ont péri dont plusieurs membres d’équipage et enfants. En outre, les États-Unis ont confirmé la présence d’un de leurs ressortissants dans la liste des victimes.



Les facteurs qui semblent avoir aggravé la situation 

D’abord, la perte de contact avec le sol n’a pas permis l’enclenchement des secours avant l’atterrissage. Ainsi, les secours sont arrivés après que l’avion se soit immobilisé. L’évacuation semble aussi avoir contribué au lourd bilan. Selon une source de l’agence de presse Interfax, « une enquête menée auprès de témoins oculaires suggère que lorsque l'avion a percuté le sol et a pris feu, certains passagers ont commencé à retirer leurs effets personnels des porte-bagages dans la panique. Il était donc difficile d'évacuer les personnes des dernières rangées de l'avion, et elles sont mortes dans l'incendie ». En effet, des images semblent confirmer cette information. En outre, l’avion desservait Murmansk, une ville située à 1447 km de Moscou à vol-d’oiseau. Les réservoirs étaient pleins, à peine une demi-heure après le décollage.


SU1492 crash bagages
Image de l’avion après le crash 

Concernant les conditions météorologiques, on remarque la présence d’un vent au sol. Tour de contrôle: Aeroflot 1492, vent au sol de 160 degrés, 7 rafales de 10 mètres par seconde, VP24 à gauche, j’autorise l’atterrissage.


Enfin, l’évacuation de l’appareil s’est avérée difficile tant les flammes étaient vives. Deux toboggans situés à l’avant de l’appareil ont permis l’évacuation. Un membre d’équipage a pourtant tenté d’évacuer l’avion par l’arrière, en vain. Sa mort a été confirmée plus tard.

Conséquences

Aucune suspension des vols du SSJ100 n’a été prise après le crash. "Une enquête criminelle pour violation des règles de sécurité" a été ouverte, a indiqué dans un communiqué le Comité d'enquête russe, chargé des enquêtes dans ce genre d'affaires. L'Interstate Aviation Committee IAC (« Comité intergouvernemental d'aviation » en français, l’équivalent du BEA) a débuté les analyses des boîtes noires le lendemain du crash.



Voir l’intégralité des données ADS-B

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